Crise à la Fédération Guinéenne de Football : le ministre Bogola Haba entre en confrontation avec le Comité Exécutif
La tension monte d’un cran au sein de la Fédération Guinéenne de Football (FGF). Depuis la révocation d’Aboubacar Sampil, président de la fédération, décidée par le Comité Exécutif (ComEx) le 8 avril 2025, la crise a pris une tournure politique. Le ministre de la Jeunesse et des Sports, Kéamou Bogola Haba, a décidé de défier ouvertement cette décision à travers un courrier daté du 14 avril, qui marque une nette escalade.
Alors que plusieurs clubs, associations et groupements affiliés à la FGF ont accepté la mise à l’écart de Sampil et reconnu l’intérim de Sory Doumbouya, vice-président le plus âgé, le ministre sort un argument inattendu : l’agrément de la FGF serait arrivé à expiration. Il appelle donc à "tirer toutes les conséquences de droit", insinuant que la fédération ne serait plus en situation régulière.
Dans son courrier, le ministre va plus loin en annonçant que son département ne reconnaîtra plus aucun acte de la FGF sans "autorisation expresse". Il précise que l’État suspendra également tout appui aux activités de la fédération tant que la situation administrative ne sera pas régularisée et que le conflit interne au ComEx ne sera pas résolu.
Cependant, selon l’arrêté ministériel N°1163 du 28 mars 2023, l’agrément de la FGF est valide pour deux ans, donc jusqu’au 27 mars 2025, et bénéficie d’une période de grâce de trois mois après échéance en l’absence de renouvellement formel, soit jusqu’au 27 juin 2025. L’argument avancé par le ministre apparaît ainsi prématuré, voire infondé. Certains y voient une manœuvre politique pour contrecarrer la décision du ComEx, d’autant plus que le ministre est réputé proche de Sampil.
Cette sortie est interprétée comme une riposte à ce que d’aucuns qualifient de "camouflet" infligé au ministre, dont l’instruction de suspendre la réunion du 8 avril n’a pas été suivie. Il s’en indigne d’ailleurs dans son courrier : "Le non-respect de la directive du ministère du 8 avril expose notre football à une nouvelle crise ouverte".
Pourtant, les statuts de la FGF sont clairs : le Comité Exécutif a le pouvoir de révoquer provisoirement le président, et le vice-président le plus âgé assure l’intérim. Aucune crise institutionnelle majeure n’est rapportée dans les rangs des acteurs du football, qui semblent s’accorder sur la transition en cours. La volonté du ministre de s’imposer au-dessus des textes fédéraux interroge.
Autre point notable : Bogola Haba propose dans le même courrier une révision des statuts de la FGF pour favoriser une gouvernance "plus stable et consensuelle". Pourtant, ces mêmes textes ont permis l’élection de Sampil, validée sans réserve par la FIFA. Cette demande pourrait être perçue comme une tentative de prise de contrôle indirecte de la FGF.
Des sources laissent entendre que, n’ayant pas pu sauver le mandat de Sampil, le ministre chercherait désormais à provoquer une suspension de la FGF par la FIFA. Une démarche périlleuse. La FIFA interdit toute ingérence politique dans la gestion des fédérations nationales. Selon ses statuts (articles 2.2 et 15.c), les fédérations doivent bénéficier d’une autonomie totale, notamment en matière de désignation de leurs dirigeants.
Une suspension aurait des conséquences lourdes : exclusion des compétitions internationales, gel des aides financières et isolement du football guinéen sur la scène mondiale.
Dans une tentative de conciliation – ou de pression –, le ministre a convoqué une réunion d’urgence avec le Comité Exécutif le jeudi 17 avril. Mais dans le contexte actuel, difficile d’imaginer une véritable main tendue. L’affrontement semble inévitable.
Le bras de fer entre le ministère et la FGF est désormais engagé. Reste à savoir qui pliera… avant que le football guinéen n’en paie le prix fort.
La Rédaction Politique