La Guinée est une nouvelle fois au centre des préoccupations internationales avec l’arrestation de Claude Pivi, ancien ministre de la Sécurité présidentielle, et les récentes accusations de tentative de coup d’État contre l’ancien président Alpha Condé. Ces deux figures incarnent les tensions profondes qui déchirent le pays depuis plusieurs décennies, entre quête de justice, enjeux de réconciliation et rivalités politiques.
Claude Pivi : Arrestation et retour en Guinée sous haute surveillance
Claude Pivi, ex-colonel et bras droit de Moussa Dadis Camara, a été appréhendé au Liberia le 17 septembre 2024 après plusieurs mois de cavale. Condamné à la réclusion à perpétuité pour son rôle central dans le massacre du 28 septembre 2009, où plus de 150 manifestants pacifiques avaient été tués par les forces de sécurité, Pivi avait réussi à s’échapper lors d’une évasion spectaculaire de la prison de Conakry en novembre 2023.
Selon des informations confirmées par le procureur militaire de Guinée, Claude Pivi est désormais incarcéré à la maison centrale de Conakry, après son extradition rapide depuis le Liberia, résultat de la coopération fluide entre les autorités guinéennes et libériennes . Le gouvernement libérien, par l’intermédiaire de son ministre de la Justice, a salué l'efficacité de cette opération conjointe, insistant sur le fait que le Liberia est déterminé à ne pas servir de refuge à ceux qui fuient la justice de leur pays. « Nous avons agi conformément aux accords internationaux et aux principes de justice qui nous lient à nos voisins », a déclaré le ministre libérien.
En Guinée, cette arrestation a suscité de nombreuses réactions, notamment de la part des associations de victimes du massacre de 2009. Dr Dansa Kourouma, président du Conseil national de la transition (CNT), a déclaré que cette extradition « restaure une partie de la dignité des victimes » et marque un moment clé dans la lutte contre l’impunité en Guinée. Il a ajouté que « les familles des victimes attendent depuis trop longtemps que justice soit rendue ».
De son côté, le ministre guinéen de la Justice, Yaya Kairaba Kaba, a souligné l’importance de ce moment, saluant le travail des autorités judiciaires guinéennes et libériennes. « C'est un signe fort que la Guinée est engagée sur la voie de la justice. Personne, quelle que soit son influence passée ou présente, ne pourra échapper à la responsabilité de ses actes », a-t-il affirmé dans un communiqué.
Alpha Condé : Des ambitions politiques toujours en question
Parallèlement à l’affaire Pivi, Alpha Condé, l’ancien président guinéen déposé par un coup d’État en 2021, est accusé d’avoir orchestré une tentative de déstabilisation du régime actuel pour reprendre le pouvoir. Selon plusieurs sources, Condé, qui avait été élu pour un troisième mandat controversé en 2020, aurait tenté de s’appuyer sur des réseaux d'influence au sein de l’armée pour fomenter un coup d'État contre le gouvernement du colonel Mamady Doumbouya.
Ces accusations, relayées par des médias locaux comme Avenir Guinée, ajoutent de nouvelles tensions à un paysage politique déjà fragile. Alpha Condé, pour sa part, dément fermement ces allégations, dénonçant une cabale politique visant à entacher son image et à l’empêcher de revenir sur la scène politique. « Ils essaient de me salir pour m'éloigner définitivement de la politique, mais je resterai fidèle à mon combat pour la démocratie et la justice en Guinée », a-t-il déclaré dans un entretien exclusif.
Sékouba Konaté, ancien président par intérim, a quant à lui réagi vivement à ces accusations, affirmant que si Alpha Condé cherche à déstabiliser la Guinée, « il trouvera en face de lui non seulement les autorités, mais aussi le peuple guinéen déterminé à protéger sa stabilité ». Il a ajouté : « Le pays a suffisamment souffert de l'instabilité politique ; nous ne pouvons plus tolérer ces tentatives de prise de pouvoir par la force. »
Réactions et perspectives
L'arrestation de Claude Pivi et les accusations contre Alpha Condé soulignent la fragilité de la situation politique guinéenne. Le colonel Mamady Doumbouya, actuel chef de l’État, a salué la coopération entre le Liberia et la Guinée, tout en rappelant l'importance de poursuivre les efforts de réconciliation et de justice. « La Guinée ne peut se relever qu’en tournant définitivement la page de l’impunité et en renforçant l’État de droit », a-t-il déclaré dans une allocution publique.
Cependant, les tensions restent palpables dans le pays, notamment au sein de la classe politique et de l'armée, où des loyautés partagées continuent d’alimenter l’incertitude. Les partisans d’Alpha Condé voient dans ces accusations une tentative de la junte actuelle de marginaliser définitivement l’ancien président et de verrouiller le pouvoir.
La Guinée, au cœur de bouleversements politiques et judiciaires, se trouve à un moment charnière de son histoire. L’arrestation de Claude Pivi, désormais incarcéré à la maison centrale de Conakry, est perçue comme une victoire pour les familles des victimes du massacre de 2009. Par ailleurs, les accusations de tentative de coup d'État visant Alpha Condé continuent d’alimenter les débats sur l'avenir politique du pays. Pour stabiliser la Guinée, il sera crucial de garantir une justice équitable, de renforcer la confiance dans les institutions et de permettre une réconciliation durable.