Le Débat autour de la Règle des 20% : Les Exportateurs Nationaux Réclament leur Juste Part dans l'Industrie du Cacao Ivoirien

Abidjan – La question de l’équité dans la distribution des contrats d’exportation de cacao en Côte d’Ivoire est au cœur d’un débat important, les exportateurs nationaux du Groupement des négociants ivoiriens (GNI) ayant récemment exhorté le Conseil café cacao (CCC) à appliquer pleinement la règle des 20%. Cette disposition, pourtant en place depuis 2022, reste au centre des préoccupations des acteurs locaux qui jugent son application encore insuffisante.

Les Exportateurs Nationaux Face à la Domination des Multinationales

La règle des 20% a été instaurée par le gouvernement ivoirien pour renforcer la participation des exportateurs nationaux dans un secteur largement dominé par les multinationales. En effet, ces dernières bénéficient souvent de l’exclusivité des contrats d’exportation de cacao, ce qui laisse peu de place aux entreprises ivoiriennes. Selon les dispositions, 20% des volumes de cacao acquis par les multinationales devraient être réservés aux exportateurs nationaux, proportionnellement à leur capacité d’achat et d’exportation.

Cependant, malgré cette décision gouvernementale, le GNI dénonce un manque d’application rigoureuse de cette règle. Les exportateurs nationaux peinent toujours à obtenir leur part du marché et doivent souvent recourir à des "déblocages directs," un système qui les rend dépendants de la volonté des multinationales pour obtenir des contrats d’exportation.

L'Impact Économique d'une Application Incomplète de la Règle

L’application partielle de la règle des 20% n'est pas sans conséquence pour les exportateurs nationaux. Ces derniers se retrouvent souvent dans des situations précaires où ils sont contraints de spéculer sur les prix du cacao, une pratique risquée qui met en péril la stabilité du système en cas de chute des prix. La crise des défauts de 2017 reste un exemple marquant des dangers que peuvent engendrer ces incertitudes.

Par ailleurs, les exportateurs nationaux sont confrontés à des défis financiers importants, car l'absence d'application totale de cette règle les empêche de bénéficier des mêmes opportunités que les multinationales. L'accès limité aux contrats internationaux les place en position de faiblesse, face à des concurrents bénéficiant d’une meilleure capacité de négociation.

La Problématique de la Certification du Cacao

Un autre aspect central de la demande du GNI concerne les primes de certification. Les multinationales jouissent d’un avantage considérable en conservant l’exclusivité de ces primes, qu’elles réservent à leurs propres filiales, renforçant ainsi leur domination sur le marché. Le GNI appelle donc le CCC à garantir que la moitié des contrats internationaux attribués dans le cadre de la règle des 20% concernent du cacao certifié, afin de donner aux exportateurs nationaux l'opportunité d'accéder à ces primes et de renforcer leur compétitivité.

Le Cri d’alarme des Exportateurs Nationaux pour un Écosystème Équitable

En signant cette lettre commune adressée au CCC, les membres du GNI ont exprimé leur volonté unanime de voir la règle des 20% appliquée intégralement. Pour eux, il s'agit d'un élément clé pour bâtir un écosystème plus équitable et permettre l’émergence de champions nationaux dans la filière cacao, un secteur qui représente 40% des recettes d’exportation de la Côte d'Ivoire et 15% de son PIB.

Vers un Renforcement de la Place des Exportateurs Ivoiriens ?

La demande des exportateurs nationaux pour une application stricte de la règle des 20% intervient à un moment crucial où le secteur du cacao en Côte d’Ivoire cherche à se réinventer. Si le gouvernement entend véritablement soutenir les acteurs nationaux, l’application rigoureuse de cette mesure pourrait être un pas décisif vers une plus grande inclusion des entreprises locales dans la chaîne d'approvisionnement du cacao.

Le GNI espère que la mise en œuvre complète de la règle permettra de débloquer un potentiel de 260 000 tonnes de cacao qui pourrait être exporté par les acteurs nationaux, renforçant ainsi leur position sur le marché international et réduisant leur dépendance vis-à-vis des multinationales.

Un Appel à l'Action du CCC

Le GNI a donc adressé un message clair au CCC : il est temps de faire respecter les décisions prises par le gouvernement pour donner aux exportateurs ivoiriens la place qu'ils méritent dans l'industrie du cacao. La mise en œuvre de cette règle des 20% pourrait être l'opportunité tant attendue pour les opérateurs nationaux de devenir des acteurs de premier plan dans une filière essentielle à l’économie ivoirienne et à la subsistance de millions de personnes.

Ce débat met en lumière la nécessité d’un équilibre entre les intérêts nationaux et internationaux, et la volonté des exportateurs ivoiriens de voir leurs efforts récompensés par un accès équitable à un marché qu'ils contribuent à construire depuis des années.

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